L’empreinte de l’homme à Lavilledieu est marquée dès la préhistoire par de nombreux dolmens. De l’ère romaine où un camp Gallo-romain dit « Camp de César » régnait sur la région à aujourd’hui, l’histoire de notre village fût riche…
Le couvent des bénédictines de Lavilledieu
Au XIe siècle, la puissante abbaye de Saint-André-le-Haut de Vienne décide d’établir un important prieuré de bénédictines à Saint-Martin-de-Bayssac. D’abord chassées par les habitants (1064), les moniales reviennent l’année suivante et vont édifier, avec le soutien de la famille De Vogüé, leur maison religieuse sur une petite butte à proximité de Bayssac, à l’emplacement du village actuel. Cette fondation suscita rapidement l’organisation d’un habitat villageois regroupé autour du couvent, qui reçut le nom latin de « Villa Dei », transformé plus tard en « Lavilledieu ».
A partir du XIVe siècle, les troubles – en particulier au cours de la Guerre de Cent ans – nécessitent l’édification de fortifications afin de protéger villageois et religieuses des exactions. Par acte du 24 février 1378, Guy de Montlaur, seigneur d’Aubenas, autorise la prieure, Aloysia de Chanaleilles, à élever des remparts. Un quadrilatère de murailles de 150m sur 120m, flanqué de huit tours monumentales, transforme la cité en citadelle, à l’abri de laquelle le couvent richement doté va pouvoir prospérer.
Au milieu du XVIe siècle, la réforme protestante conquiert une grande partie du Vivarais. Enclave catholique dans un environnement majoritairement protestant, le couvent est menacé quand éclatent les Guerres de Religion. Pillé et brûlé par deux fois, affaibli par les intempéries, faciles et épidémies, il est quasiment en ruines.
La paix retrouvée pendant la durée du règne d’Henri IV permet à la prieure Suzanne de Modène-Montlaur d’entreprendre la restauration et l’agrandissement du monastère, lui donnant son aspect actuel.
Au début du XVIIe siècle, à la mort d’Henri IV, les troubles reprennent avec la Contre-Réforme. Les bénédictines et leur prieure Marie d’Ornant, en quête de sécurité et pour assurer leur essor, quittent définitivement Lavilledieu et se fixent à Aubenas, au Dôme Saint Benoit où, s’émancipant de leur tutelle viennoise, elles formeront une abbaye à part entière, rattachée directement à celle de Cluny.
A la fin du XVIIIe, les biens du clergé, décrétés biens nationaux, sont mise en vente par les révolutionnaires. C’est le cas de ceux de l’Abbesse en 1791-1792. Racheté par des particuliers, le prieuré désaffecté est transformé en habitation par des familles villadéennes ou de la région.
Le XIXe siècle voit la commune reprendre possession de l’aile Est qui abritera successivement la mairie, les écoles, puis le bureau de poste jusqu’aux environs de 1960.
Au XXe siècle, depuis les années 80, la communauté villadéenne reprend peu à peu possession de son patrimoine, par l’intermédiaire de sa municipalité. Malgré l’effondrement de l’aile ouest au cours des années 60, le couvent, restauré en continu, a repris toute sa place dans le coeur des villadéens qui y développent une intense vie associative et culturelle.
Le Barry
En 1378, en plein coeur de la Guerre de Cent Ans, La Villedieu ou Villa Deï n’est pas épargnée par les pillages, les profanations et les tueries perpétrés par les ennemis du Royaume et les bandes de pillards. La Prieure, ses religieuses et les habitants de La Villedieu doivent s’enfuir de nuit comme de jour pour se protéger, loin de leur monastère et de leurs habitations, principalement à Mirabel ou à Saint-Laurent-sous-Coiron, lieux sûrs et fortifiés. Pendant leur exil, les agresseurs saccagent ou s’emparent de tous les biens des habitants, allant jusqu’à profaner et violer les lieux sacrés du cloître.
Le 24 février 1378, Guy II de Montlaur, seigneur d’Aubenas, Seigneur et Haut Justicier de La Villedieu accorde aux habitants et à leur Prieure, Aloysia de Chanaleilles, fille de Hélye de Chanaleilles et de Alosie de Montgros, la construction chez eux d’un fort pour s’y réfugier en temps de guerre. Le délai d’exécution est fixé à trois années. Les frais incomberont pour un quart à la Prieure et pour le reste à la Communauté des habitants. Le fort sera commandé par un capitaine, mais les villageois seront tenus d’y monter la garde à tour de rôle.
Ce quadrilatère de 150m de long sur 120m de large pourvu de 8 tours avec créneaux, bretèches et échauguettes fait de La Villedieu une solide citadelle. Trois puits étaient positionnés devant les trois tours principales pour les besoins de la communauté. Les villageois y avaient accès par le passage de la Trappe ou par le Portail. Les habitants empruntaient également ces passages pour sortir de la zone fortifiée et aller travailler leurs terres.
Pendant de longues années, l’étendard de Sire Guy de Montlaur flottera sur une des tours et ses armoiries seront gravées sur la porte du Prieuré. De nos jours, la portion des remparts que les Villadéens nomment le Barry est constituée de 4 tours, en aval de l’ancienne citadelle.
La révolte du Roure
En mai 1670, inquiétés par la rumeur annonçant de nouveaux impôts, les villages de la région se soulèvent. Rapidement constituée, une troupe de paysans, avec à sa tête un petit gentilhomme de Lachapelle-sous-Aubenas, Antoine de Route dit « Le Roure », marche sur Aubenas.
La révolte s’étend et compte jusqu’à huit mille insurgés. S’ensuit une période d’émeutes, où incendies, meurtres et pillages – dont celui de Privas – se succèdent. L’autorité royale ne peut admettre de tels désordres et, après négociations, trêves et trahisons réciproques, refuse finalement l’amnistie demandée par les insurgés.
Le 25 juillet, à Lavilledieu, l’armée du Roi, forte de quatre mille hommes placés sur le commandement du Marquis de Castries, anéantit une partie des troupes du Roure. Le carnage se poursuit jusque dans les bois de Chabrols, mais Roure parvient à s’enfuir. Le reste des bandes d’insurgés demeurés autour d’Aubenas s’éparpille.
La révolte est terminée, la répression commence. Ceux qui sont arrêtés sont exécutés par pendaison ou sur la roue, d’autres sont bannis ou envoyés aux galères. Arrêté près de la frontière espagnole, Roure est condamné à être roué vif et exécuté le 29 octobre à Montpellier.
Les paroisses convaincues d’avoir favorisé la rébellion sont frappées de lourdes amendes, privées à jamais du droit d’élire leurs consuls. Leurs clochers sont écimés et leurs cloches descendues. Lavilledieu, ainsi que Lachapelle-sous-Aubenas, voient de plus leurs remparts éventrés.
Lavilledieu dut attendre jusqu’en 1703 avant que les habitants ne soient autorisés à réparer, à leur frais, les remparts de leur village.